Pause pâtisserie

Evelyn et Margaret

Elle regarda les passants, se demandant un instant si l'un d'eux percevrait le désarroi sur son visage, la peine même peut-être. Elle se le demandait depuis suffisamment longtemps maintenant pour avoir la réponse. Elle refusait simplement de l'admettre. Parce que, perdre espoir, c'était perdre toute chance de sortir de ce cauchemar avant que l'irréparable soit commis. C'était comme vivre dans une bulle renfermant secrets et frayeurs tout en essayant de conserver un peu de soit à l'extérieur de cette bulle. C'était comme tenter de paraître détachée alors que la nuit, quand plus rien ne la retenait, quand la pression extérieure n'existait plus, elle ne parvenait plus à se rassurer, cherchant un sommeil absent. Mais, contre toute attente et malgré la menace qui planait sur sa vie et celle de ses proches surtout, elle tenait bon. Ces heures d'observation lui semblaient même revêtir une allure d'événement habituel. Elle pouvait presque, dans ces nombreux moments, se persuader qu'il ne s'agissait là que de rien d'autre qu'une simple enquête de routine, semblable à toute autre et dont elle serait payée pour ça le plus simplement du monde une fois sa mission remplie. La réalité la rattrapait parfois rapidement quand un compte-rendu devait être donné ou qu'un micro installé se rappelait à son bon souvenir, faisant ressentir le métal froid sur sa peau.

Elle soupira un instant, laissant son regard se porter vers sa nouvelle petite routine, vers cette pâtisserie qui finirait par lui faire prendre quelques kilos en trop. Elle ne prêta plus attention aux passants pour se concentrer sur son but : entrer dans la pâtisserie, observer et peut-être même trouver Evelyn Poweel avec laquelle elle faisait la conversation bien souvent, presque chaque jour depuis début décembre. Chaque jour … c'était un nombre conséquent d'espoir vain durant lequel ses quelques tentatives pour faire comprendre les choses ne trouvaient pas d'oreille attentive. Maggie se rendait bien compte que ses allusions, que ses mots étaient loin de la clarté première mais elle ne pouvait certainement pas lancer de but en blanc ce qui lui arrivait. Alors elle continuait d'espérer pour ça, elle continuait de penser qu'elle finirait par comprendre, par faire des rapprochements qui s'imposaient, à prendre ses lapsus pour autre chose que de simples lapsus. Elle espérait qu'elle l'aide, tout simplement. Mais en attendant que cela arrive, il lui fallait agir normalement, continuer à avancer dans sa mission et tout connaître de ces quelques personnes...une en particulier. Et cela, même si le désespoir commençait à la tirailler.

Rejoignant la femme sur qui elle fondait quelques espoirs de secours, elle afficha son masque souriant avant de la saluer. "Bonjour ! Toujours au rendez-vous à ce que je vois. "

Pause pâtisserie

Evelyn et Margaret

Trouver un semblant de routine. C'était important pour Evelyn qui n'en avait plus eu l'occasion depuis presque un an. Alors, depuis son retour à Lewiston, elle avait décidé d'aller de fréquenter la pâtisserie à heure fixe. C'était loin de se donner un but, juste essayer de retrouver des marques, de se sentir au bon endroit et accessoirement, de pouvoir rencontrer de nouvelles personnes qui ne connaissaient rien de ce qui lui était arrivé.
C'était d'ailleurs comme ça qu'elle avait rencontré Margare. La fille Stark-Mears était bien connue de la ville, Evy ne faisait pas exception. Mais c'était le nom qu'elle connaissait, pas la personne. Et commencer à discuter de tout et de rien avec elle, était quelque peu libérateur. Le temps, la nourriture, les passants parfois... C'était là un rendez vous quotidien qui était bénéfique pour elle. Alors comme une rengaine de toujours, elle se présentait au rendez vous implicite dans l'espoir de passer un peu de temps en compagnie de Maggie. Au moins, pendant ce temps, ne se souciait-elle pas de sa vie. Elle réapprenait à simplement écouter, papoter, sourire même jusqu'à ce que l'une des deux s'en aille et qu'elle replaçait le masque qui lui permettait de tenir le coup. Si elle appréciait ce moment, elle était cependant loin de se douter de ce qui poussait la miss Stark à parler avec elle. Evy n'était pas aveugle en général, elle se préoccupait assez bien des gens pour sentir quand les choses n'allaient pas. Mais il faut croire qu'avec elle, c'était différent...

En la voyant se diriger vers elle, la brunette lui offrit un sourire sincèrement. "Bonjour! Comme tous les jours depuis quelques temps maintenant. Comment ça va Margaret? Installez vous, je vous en prie!" Dit-elle en tirant sur la chaise à ses côtés. Evelyn fit signe au serveur d'apporter ce que toutes les deux prenaient habituellement. A force de passer tous les jours, elles se faisaient connaitre des gens de la pâtisserie. A cette allure, elles feraient partie des meubles toutes les deux.

Pause pâtisserie

Evelyn et Margaret

Le jeu débutait ainsi, par un simple bonjour et un sourire. C'était ce qui était le plus simple pour débuter toute conversation. Maggie aurait voulu le lui dire dès à présent ou bien le lui écrire mais rien ne laissait présager la réaction d'Evelyn. Et puis, elle-même n'était pas sans reproches et elle savait qu'une fois cela fait et avoué, sa vie serait finie. Celle qu'elle avait actuellement du moins. Pour une fois, elle n'avait pas pris ses dispositions, pas couvert ses arrières. Mais ça, c'était plus important qu'elle-même. Tant pis si c'était un retour pour qu'elle ne voit jamais ce qu'elle avait réussi à accomplir et qu'elle ne revoit plus sa petite soeur. Elle aurait pu en pleurer si elle n'était pas aussi bonne comédienne à l'instant précis. Si Evelyn l'aidait, elle finirait par trouver ce qu'il advenait de Margaret d'ordinaire et alors, elle pouvait toujours parier pour la peine capitale. C'était le mieux qu'elle pouvait espérer, le pire étant simplement de disparaître de la surface de la Terre avant même de savoir que ce qu'elle était entrain de faire là avait eu une résolution positive.

En attendant, elle continuait ce pourquoi elle était là, à Lewiston tout en espérant qu'enfin, Evelyn comprendrait ses regards à l'aide. Elle s'assit et lui retourna son sourire. "Je crois que je pourrais tuer pour une de ses pâtisseries aujourd'hui... Mais je vais bien, je pense et vous ?"

Pause pâtisserie

Evelyn et Margaret

S'installer à une table, commander, partager... Ce sont toutes des choses simples qu'Evelyn apprécie de faire. Bien plus qu'avant encore... Sans doute à cause de ce qu'elle a vécu. Ce genre de moments prennent beaucoup plus de sens pour elle et la jeune femme essaye d'en profiter. Après tout, on ne sait pas ce qui se passera la seconde qui suit!  
En venant dans cette pâtisserie, c'était un peu comme si elle attendait de pouvoir passer un peu de temps avec Margaret. Parler de tout et de rien, du temps, des passants, se trouver des choses en commun... C'était une façon de s'aider réciproquement, de faire de nouvelles connaissance et ça apportait la normalité dont Evy avait besoin en ce moment.
La jeune femme accueillit la miss Stark avec un sourire et la laissa s'installer à ses côtés en échangeant les premières banalités. Mais en l'entendant, Evelyn fronça légèrement les sourcils. Elle pensait qu'elle allait bien. Etait-ce parce que ce n'était pas le cas? "Je vais bien merci. Vous êtes sûre que..." Dit-elle interrompue par son téléphone. C'était son père et elle savait qu'elle devait décrocher sinon il s'inquiéterait de suite. "Excusez moi, je dois absolument prendre cet appel..."

Evy se leva et sortit prendre sa communication à l'extérieur du bâtiment. Benjamin voulait la voir et malgré qu'elle lui propose de déjeuner avec lui, il trouva le moyen de lui faire accepter de passer au poste de police immédiatement. Elle revint alors auprès de Margaret le regard désolé. "Je suis désolée Margaret, je vais devoir écourter notre pause pâtisserie... Mais voici mon numéro, vous pouvez me joindre quand vous voulez, ça me fera plaisir et puis, on pourra se rencontrer ailleurs qu'ici... Je ne pense pas que nos balances soient vraiment contentes avec ce qu'ils servent ici!" Dit-elle en rigolant gentiment avant de reprendre sa veste et d'aller rejoindre son père.

Terminé et verrouillé.