Si tu viens éclairer mon âme quand j'en ai besoin...
Si tu viens desserrer les lames autour de mes mains
Je pourrais t'expliquer la chute libre de mon choix
Te montrer les couleurs qui ne vont pas
« Tu veux que je te lise une histoire ? »Les mains accrochées à sa couette, Zach secoua la tête paresseusement.
« Non, ça va. » Lorcan tiqua intérieurement. Son fils sortait de plusieurs heures d'hospitalisation. Il était épuisé et encore secoué par le choc. Devant lui, il s'appliquait à masquer sa culpabilité et son angoisse, mais la vérité, c'est que le jeune père était dépassé.
« Si tu as mal, tu m'appelles, d'accord ? » Il caressa sa joue tendrement, et le borda. Puis il éteignit les lumières et vérifia que la fenêtre était bien verrouillée.
Le reste de la maison avait subi le même sort. Mais tous les verrous et les alarmes du monde ne suffisaient pas à rassurer Lorcan. Le danger était partout. Et il avait été à deux doigts de déscolariser les garçons, de monter une tente dans le salon, et de ne plus jamais les lâcher d'un mètre. Ses parents l'avaient pris entre quatre yeux... six en fait, et l'avaient dissuadé de bouleverser ainsi leur rythme de vie et leurs habitudes.
Il descendit l'escalier qui menait au salon. La pièce baignait dans une lumière tamisée, et le crépitement des flammes de la cheminée conférait une atmosphère calme à mille lieux de ce qu'il ressentait. Lorcan s'empara du verre d'alcool que Heaven lui tendait et l'avala d'un trait.
« Merci. » Il se laissa tomber à ses côtés près de l'âtre. Dès qu'elle avait appris pour Zach, la tornade rousse avait déboulé chez lui. Lorcan l'avait débriefée rapidement pendant que les garçons dînaient à la va vite, sur Cole, -S, les nouvelles menaces que ce dernier lui avait craché au téléphone.
« Tu comptes me montrer comment on s'en sert ? » demanda t-il en la voyant jouer avec les reflets que les flammes produisaient sur la lame de son couteau. Il la connaissait séduisante et dangereuse. Probablement capable de vous casser un bras si vous laissiez traîner vos mains où il ne fallait pas sans son consentement.
Ça ne le dérangeait pas. Et surtout pas ce soir. Lorcan avait besoin d'évacuer la montagne de stress qui l'enserrait. Il adressa à la belle un sourire complice. Sa présence suffisait. A ses côtés, le jeune homme avait apprivoisé le plaisir des sensations qu'il s'interdisait autrefois. Heaven avait été une professeur exemplaire, et là maintenant ? Elle était tout ce dont il avait besoin pour se sentir... pas mieux. Non. Pour sentir quelque chose. Quelque chose d'autre que l'amertume et le néant qui creusaient le vide inexorable dans son existence.
« Reste avec moi ce soir. »Ce n'était même pas une question. Il n'y avait pas de point d'interrogation à la fin de la phrase. Pas un ordre non plus. Elle n'était pas de celles qui obéissent docilement de toute façon. Lorcan n'allait pas mentir, c'était exactement pour ça qu'elle lui plaisait. Le monde entier se comportait avec lui comme s'il était prêt à se briser. Le pauvre père célibataire, en miettes depuis la mort de James. Comme la répartie cinglante et les moqueries de son mari lui manquaient, avec encore plus d'acuité depuis que son fantôme avait surgit dans sa vie.
Heaven ne le ménageait pas. Au contraire, d'une manière enjôleuse et attrayante, elle l'avait attiré dans ses filets. Lorcan ne s'était plus jamais fait prier depuis ce soir où elle l'avait jeté sur sa bécane pour le sortir de chez lui. Il se versa un autre verre, décidé à siffler la bouteille. Cole n'était pas les parages. Aucune raison pour que -S et sa nouvelle lubie de les séparer ne vienne les pourrir un peu plus. Il pouvait honnêtement espérer se murger en paix.