Seth avait passé une journée de merde. Tout avait commencé par une panne de réveil, suivit d'un café brûlant renversé sur son pied gauche. Le reste de la journée s'était partagé entre course-poursuite après des petits dealers sans intérêts (qui auraient pu en vouloir à Axel), mais assez dégourdis pour lui avoir balancé un coup de poing dans la figure. Seth était habitué à se prendre des coups, mais celui là dessinait maintenant une jolie entaille sur son arcade sourcilière. Et puis il y avait eu son inquiétude latente. Le motif de son inquiétude ? Cette ville de merde.
En plus d'être un bled merdique à trou-du-cul-du-monde-dans-l'Idaho, Lewiston hébergeait la fine fleure de la CIA reconvertie en secte de Samuel. Enfin c'était sans doute pas ça, mais un truc approchant. Toujours est-il que Seth s'attendait à quelque chose de simple. On coince le mec qui a troué la peau de son pote, on lui fait comprendre la signification de l'expression « œil pour œil » en le plombant à son tour et on rentre à la maison. Simple.
Dans la pratique, la conception Whitakerienne de la simplicité impliquait donc de graisser la patte de la moitié des potentiels indics' de la ville et de tabasser l'autre moitié pour qu'ils crachent la moindre information sur Axel. Seth avait distribué autant de biftons que de coups dans la gueule au nom de sa croisade. Et le trente sixième tocard auquel il avait menacé (juste menacé parce que le tocard numéro trente sept s'était stratégiquement placé entre les deux) de péter la gueule était formel : ce qui était arrivé à Axel, c'était un coup de -S.
Des coups sur la porte. Seth tourna la tête mais ne bougea pas immédiatement. Il n'attendait personne. Et la femme de ménage s'annonçait toujours de derrière la porte. Dans le doute, il coinça son revolver dans son dos. A pas de loup, les sens en alerte et la crosse de son arme pressée contre son dos, le chasseur s'approcha de la porte considérant qu'il ne s'était pas fait que des amis en ville. Il l'ouvrit à la volée et se fit immédiatement assaillir par une attaque câlin.
Pas le temps de prononcer son nom d'étonnement. Billie était partout contre lui comme un koala en manque d'amour. Parce que c'était Billie, Seth ne chercha pas à comprendre et lui rendit son étreinte. Il pouvait sentir son parfum subtil, et ses cheveux qui lui chatouillait le visage. C'était inattendu. Apaisant aussi.
Des lèvres douces passèrent rapidement sur sa joue. Fidèle à elle-même, Billie entra sans y être invitée et s’intéressa au chien. C'était tellement plus important de câliner le chien que d'expliquer à son maître ce qu'elle était venue faire là. Seth roula des yeux.
« Le chien s'appelle Vandale. »Et pas Beast. La vanne sur Beauty and the beast lui brûlait les lèvres, mais Billie aurait été foutue de le prendre comme un compliment, et de forcer Seth à l'appeler Beauty pour les restant de ses jours.
Il referma la porte et plissa les yeux, avant de se souvenir qu'il avait une arcade en compote. Ah le con...
« Tu t'emmerdais tant que ça à New-York ? » Non parce qu'elle n'allait pas la lui faire à l'envers. Ce n'était certainement pas pour ses beaux yeux qu'elle avait traversé tout le bon dieu de pays.
« Et j'ai loupé le mémo dans lequel t'as précisé que tu venais où t'as juste oublié de prévenir ? » Le ''comme d'habitude'' qui allait avec la fin de la phrase flottait entre eux avec tant de naturel qu'il était inutile de gâcher sa salive. Ce n'était pas l’accueil du siècle. Et oui, Seth cachait sa joie. Ça lui aurait fait trop plaisir qu'il admette qu'elle lui avait manqué.