Please don’t say you’re sorry
Danny & Terrie
What have you done ?
C’est la troisième fois que Siban me réveille aujourd’hui. Après des semaines à ne dormir que quelques heures par-ci et quelques heures par-là, on pourrait presque croire que je rattrape mon sommeil en retard. Et si seulement ce n’était que ça, mais non. Si je dors autant, ce n’est pas seulement parce que je suis fatiguée, c’est aussi parce que mon rein est en train de lâcher d’une part, et que mon ventre s’arrondit au fil du temps… Par conséquent, en plus de ma nuit, je dors deux heures en plus dans la journée, sous la garde de Fenrir et d’Heimdall, qui adorent renifler mon ventre d’ailleurs. En parlant de mon ventre justement, plus il s’arrondit et plus je me dis que je suis en train de faire une putain de connerie ! Sérieusement… moi mère ? Je n’ai jamais eu la moindre relation stable depuis mon adolescence, que ce soit avec un homme ou avec une femme, je suis aux prises avec un mafieux qui se trouve être mon oncle de sang mais à qui je demande de l’argent, et je me dirige vers une insuffisance rénale qui pourrait me conduire à la mort… et je fais un enfant dont le père est un parfait inconnu ?! Je vais finir par me dire qu’il y a quelque chose qui ne tourne vraiment pas rond chez moi. Enfin bref… quand je me réveille, je retrouve Siban et Agate en train de discuter dans le salon.
« J’ai pas de drogue sur moi, je te jure. » Me lâche Agate, en levant les deux mains devant elle. Je lui ai interdit de venir chez moi avec la came de son oncle, j’ai bien assez de problèmes pour ne pas ajouter une adolescente en possession de drogue dans mon appartement. Peut-être qu’avec le temps, je pourrais aussi sortir Agate des griffes d’Aengus… une dette de plus ou de moins, il n’y aura pas de grande différence.
« Tu ne voulais pas aller voir Danny ? » Me rappelle Siban… en effet, je voulais aller la voir. Après quelques échanges, je les laisse toutes les deux à ce qu’elles font en compagnie d’Heimdall, alors que moi-même je quitte la maison avec Fenrir pour rejoindre Danny chez elle.
Pendant le temps où je marche jusque chez Danny – mon permis étant suspendu lui aussi, je marche beaucoup ces derniers temps – je réfléchis à notre relation. J’avoue ne pas trop savoir où je vais avec elle. Je tiens beaucoup à Danny, et elle parvient à apaiser nombre de mes douleurs par sa seule présence ou par un simple baiser. Je n’ai pas davantage de souvenirs depuis la dernière vague qui m’a assaillie, et je compose avec le peu que j’ai d’elle. Depuis quelques temps, j’en suis à me dire que je ne vais pas retrouver davantage de souvenirs que ceux que j’ai déjà retrouvés, parce que plus rien ne me vient depuis un long moment. Vais-je devoir continuer avec seulement quelques brides de ma vie ? C’est frustrant… Et la frustration, c’est très mauvais dans mon état. Je suis retournée au même stade qu’il y a quelques mois, je me pose des milliers de questions qui n’ont pas de réponse, et ça me rend dingue. J’essaie de reconcentrer mon attention sur Danny, c’est ce que j’ai de mieux à faire pour le moment alors que je marche vers chez elle. J’ai pris conscience que j’avais besoin de Danny, véritablement besoin d’elle, et je ne veux pas avoir à m’en priver. J’ignore encore où nous allons, mais je sais qu’elle est un indispensable de ma vie, comme l’est devenue Siban, et comme le sont les Spencer, les Chatwood, les Crow et d’autres encore et ce depuis de très longues années… Des personnes pour qui je pourrais faire n’importe quoi, des personnes à qui je donnerai tout sans la moindre hésitation… L’amour inconditionnel que je leur porte à tous me rend suffisamment forte pour braver l’impossible, même dans mon état, même en insuffisance rénale et même enceinte ! Je sais que rien ne m’arrêterait pour les protéger, pour les sauver. Et s’il m’a fallu du temps pour retrouver Danny, elle est aujourd’hui à la même place qu’eux, il n’y a rien pour elle que je ne ferai pas.
Après de longues minutes de marche, j’arrive enfin dans la rue où se trouve la maison de Danny. Je fais un signe de tête à Fenrir qui n’attendait que ça pour se faire un sprint jusqu’à la maison de ma jolie blonde. À peine est-il arrivé devant sa maison, qu’il repart tout aussi vite dans ma direction. Il faut vraiment que je pense à les sortir davantage pour qu’ils puissent courir ainsi, depuis quelques temps ils s’empattent par ma faute. Fenrir se refait quelques aller-retours en courant alors que je me rapproche de la maison de Danny. Lorsque je suis à quelques mètres seulement, une trace sur la porte attire mon attention et me fige durant quelques secondes. Je m’active davantage pour rejoindre plus rapidement la porte d’entrée, et la trace que j’y découvre c’est du sang. Mon cœur rate un battement, et j’ai l’impression de suffoquer durant une demie seconde. Je connais le milieu dans lequel Danny évolue, j’y évolue moi aussi bien malgré moi. Et de nombreuses pensées me traversent en l’espace d’une demi-seconde à peine… La demi-seconde suivante, je suis déjà en train d’effacer la trace qui se trouve sur la porte avec la manche de ma veste. Je frotte frénétiquement jusqu’à que la trace entière disparaisse alors qu’une fois de plus, je me demande ce que je fais. Lorsqu’il ne reste pas la moindre trace de sang, j’ouvre la porte qui n’est pas verrouillée et je pénètre dans la maison, sans oublier qu’il faudra passer cette partie de la porte à la javel si je veux faire disparaître complètement les traces. Est-ce que c’est ce que je veux faire ? Est-ce que c’est ce que je dois faire ?
« Danny ? » Aucune réponse, mais je n’ai peut-être pas parlé assez fort, si elle est à l’étage… et peut-être ne peut-elle pas me répondre. Cette trace de sang sur la porte ne me dit rien de bon, et je sens que je m’engouffre encore dans un problème de taille. Comme si la liste n’était pas assez longue !
J’avance dans cette maison que je connais désormais, et il me semble entendre du bruit vers la salle de bains. Je m’y dirige alors que Fenrir est en train de renifler partout et finit par me rejoindre lorsque la porte de la salle de bains s’ouvre. Je découvre Danny, la lèvre fendue et ses fringues recouvertes de sang. Une fois encore, je me fige durant un instant devant cette vision d’horreur. Je ne sais pas ce qui traverse mon esprit, j’ai un mal fou à ne pas laisser mes pensées s’échapper sans que je n’aie pris conscience de ce qu’elles renferment. J’ai ce réflexe de poser une de mes mains sur mon ventre arrondi, comme pour me rassurer, sauf que ça n’a pas le moindre effet. Danny m’adresse quelques mots que je n’entends même pas, j’ai l’impression d’être sourde alors que j’entends très bien. Ce n’est pas la première fois que je fais face à une telle situation, mais c’est la première fois que la situation en question concerne Danny…
« Qu’est-ce que t’as fait… » Ce n’est pas vraiment une question, d’ailleurs je ne veux surtout rien entendre de la réponse. Quand je reprends conscience de mon être et de mes pensées, j’ai d’abord l’idée qu’avec ma situation actuelle, je ferai mieux de déguerpir et de la laisser régler ce problème, mais… il n’y a rien pour elle que je ne ferai pas. C’est Fenrir qui me ramène complètement à moi par un aboiement qui trahit son inquiétude. Tout ce qui a pu me traverser est désormais loin derrière, et je réagis enfin. Il n’y a rien pour elle que je ne ferai pas. Je repousse Danny dans la salle de bains, avant de prendre les choses en main.
« Déshabille-toi. » Lui ordonnais-je, en même temps que je vois le miroir cassé. Je prends sa main pour voir la blessure. Pas trop profond, je pourrais m’en occuper.
« Danny ! Déshabille-toi ! » Dis-je un peu plus fort pour la faire réagir. Il n’y a rien pour elle que je ne ferai pas.